vendredi 18 janvier 2013

Voir Bully et mourir : une nouvelle à lire sur notre blog !



Eric Lefebvre est l'auteur de Sortie Lens-Est et de Requiem pour un toubib.


Il vous offre à lire sa nouvelle 

Voir Bully et mourir


Première partie, aujourd'hui !






Voir Bully et mourir
Première partie 

Mickey jeta un coup d’œil à travers le pare-brise. Putain, le brouillard s’épaississait encore ! Les contours de la rue, déjà flous, s’estompaient de plus en plus dans la grisaille de novembre.
Quelle rue déjà ?
Ah oui, Narcisse Houque. Tu parles d’un nom !
S’il avait bien lu le plan, il suffisait de faire le tour du pâté de maisons. Alors à gauche, puis à gauche.
Il aperçut enfin sur la droite une construction allongée haute d’un étage, ressemblant à un hôpital.
C’était là.
Un centre où on regonfle les papys et les mamys avant de les rendre à leurs familles.
Sans GPS, pas facile à trouver. Le mec l’avait bien dit : pas de GPS et pas de GSM ! S’en servir, c’est le meilleur moyen de se faire gauler. Mais, merde il aurait pu donner rendez-vous ailleurs. Pour arriver jusqu’à Bully pas de problème, mais ensuite, le bordel.
C’est la première fois qu’il venait dans ce bled du 6-2 et il avait été très étonné de trouver une belle descente en sortant de l’A21.
Il pensait que par ici, c’était plat, eh bien non. Malheureusement, au lieu de suivre gentiment la rue en pente pour arriver dans le centre-ville, bloqué par un groupe compact de cyclistes en K-way, ces cons roulaient à deux à l’heure, il avait obliqué brusquement sur la droite après les feux tricolores et s’était retrouvé dans un inextricable ensemble de corons. Avec des rues toutes pareilles, parallèles, perpendiculaires ou en cercles concentriques.
Un véritable labyrinthe. À croire que c’était fait exprès pour paumer les visiteurs. Quels visiteurs d’abord ! Et un dimanche matin, pour dégoter un péquenaud capable de te renseigner, macache ! Heureusement qu’il était parti de Lomme largement à l’avance.
Enfin, après avoir failli traverser une espèce de jardin public et en tâtonnant un peu, il avait fini par trouver le lieu du rendez-vous.
Il jeta un coup d’œil vers la clinique, à cette heure de la matinée, tout était calme, paisible presque.
Il se gara à distance de l’entrée et attendit.
Il s’alluma une clope. Il appuya sur l’interrupteur du plafonnier de sa Golf, une lumière crue se répandit dans l’habitacle. Il se saisit du large rouleau qu’il avait posé à la place du mort. Il fit glisser les élastiques qui la maintenaient et déroula la toile.
Elle représentait une scène de village, avec plein de petits bonshommes partout, comme si tout le monde avait décidé de sortir en même temps pour se faire croquer par le peintre. On reconnaissait différents métiers, la marchande des quatre saisons, le boulanger, le pharmacien, etc. Et même un con de flic qui faisait la circulation. Le tout, peint dans un style très naïf, presque une peinture de gosse. Son petit neveu n’aurait pas fait mieux.
Il prit plusieurs taffes en silence et la regarda attentivement ; il avait peine à croire que cette croûte valait autant. Il essaya de gratter la peinture avec l’ongle de son pouce, pour voir s’il y avait effectivement quelque chose en dessous, mais une épaisse couche de vernis rendait veine toute tentative de ce genre. Il fallait sans doute des produits spéciaux.
Et puis, si le gars voyait que sa toile avait été niquée, il risquait de mal le prendre, ça il s’en foutait, mais surtout, il risquait de ne pas payer. Et il avait l’air aussi cool qu’un keuf de la BAC qui te lève du pieu à six heures du mat pour te passer les pinces. Un type qui présentait bien, genre cadre sup ou un truc avoisinant, mais il y avait quelque chose dans son regard qui glaçait les sangs. Et pour impressionner Mickey, il fallait déjà en avoir une grosse paire.
Le mec l’avait abordé une semaine plus tôt dans un bar de Wazemmes et lui avait offert une clope puis un verre, avant d’engager la conversation.
Je m’appelle Gilles, qu’il avait dit. Gilles, tu parles ! Il aurait pu aussi bien s’appeler Gustave ou Anatole, il n’en avait rien à foutre. Malgré tout, pendant quelques secondes, il s’était senti tout troublé dans sa tête,  le gus lui rappelait vaguement quelqu’un. Sur le coup, il l’avait pris pour une dalpé en quête d’un petit cul pour la soirée, mais pas du tout, il lui avait proposé un deal :
– Mouloud le Belge m’a dit que tu cherchais du taf.
Il l’avait regardé tout drôle, d’où il connaissait Mouloud, ce mec ? D’ailleurs Mouloud, il était logé à Sequedin aux frais de l’état. Et pour un bail !
– C’est pas tes affaires qu’il avait répondu, dans mon job, on croise toute sorte de gens. Mouloud est une vieille connaissance. Et il avait ajouté, une lueur agacée dans le regard: T’as besoin de bosser oui ou merde?
Mickey  pouvait difficilement dire non. Et la petite meuf de l’écureuil aurait été d’accord avec lui, car ce n’était pas la gestion de son compte qui l’occupait à plein temps. Son relevé avait certes beaucoup de zéros, mais sans aucun chiffre devant. Donc du taf, il était preneur, restait encore à savoir quoi.
– Un truc sans risque qu’il avait dit.
Un truc sans risque, eh minute !
Si c’était sans risque, pourquoi est-ce qu’il ne s’y collait pas lui-même.
Là-dessus, le mec lui avait expliqué qu’il était courtier en placements financiers, spécialisés dans les bourges à revenus himalayens et qu’il avait vu y’a pas longtemps à Croix, une mamy pétée de fric. Pétée de fric, mais qui faisait dans son froc, dès qu’on parlait du fisc. Alors, elle n’avait rien trouvé de mieux que de cacher sous une croûte quelconque, une toile de maître, un Vlaminck, comment qu’il avait dit déjà… de la plus belle eau, c’est ça, un Vlaminck de la plus belle eau, bref un tableau qui lui venait de son grand-père. Elle lui avait cassé le morceau, car elle se demandait comment faire pour l’écouler sur le marché parallèle, le plus discrètement possible.
Mickey, lui trouvait ça complètement con d’avoir une peinture hors de prix et de la recouvrir par une merde, mais bon,  les riches, c’est parfois plus louf qu’un évadé du maboule palace.
– Il suffit donc d’entrer, de découper la toile au cutter et c’est tout, avait expliqué le gus.
– Et la vioque ?
– Tous les vendredis en début d’après-midi, elle va chez l’esthéticienne, se faire ravaler la façade. Il avait gloussé, la pauvre, elle y croit encore. Bref entre 14 et 16 heures, la maison sera vide. Du gâteau, j’te dis.
Mickey avait insisté, car il flairait une embrouille. Si c’était aussi fastoche, pourquoi qu’il ne le faisait pas, lui.
Là-dessus, l’autre avait pris méchamment la mouche :
– Réfléchit tête de nœud, si je fais le coup moi-même, alors qu’elle vient de m’en parler, on va me soupçonner en premier.
– Ouais, pas con.
Et il avait ajouté sur un ton méprisant :
– Mais si tu trouves que c’est pas dans tes cordes, je vais m’adresser ailleurs.
Il filait déjà vers la sortie que Mickey l’avait rappelé :
– Hé, on peut discuter, non. Combien ?
Il avait proposé 5000, mais il allait s’en mettre combien dans les poches! Alors, c’était 10000 ou rien.
Finalement, ils s’étaient mis d’accord pour 8000 plus tout ce qu’il pourrait rafler sur place.
D’ailleurs, il fallait retourner la maison pour faire croire à un cambriolage. Logique. Alors si la vieille avait des billets cachés dans un matelas, ou des bijoux sous une pile de linge, c’était pour lui.
Mickey regarda de nouveau la peinture.
Il avait bien pensé étouffer la croûte pour son compte. Y’a le cousin de Teddy qui fait un peu le fourgue à l’occasion, mais il se voyait pas arriver avec son rouleau sous le bras. Tiens, v’la un Vlaminck ! Et puis ce Gilles n’avait pas l’air franc du collier. Il l’avait regardé bizarre quand il lui avait dit : alors, tu marches !
Plus Mickey y pensait, plus il avait l’impression de l’avoir déjà vu ce mec !
Mais des types comme lui, un peu baraqué, le front dégarni et les tempes grisonnantes, ça courrait les rues. En-tout-cas y’avait pas intérêt à le doubler, sinon baraqué ou pas, il trouverait à qui parler.
Mickey consulta sa montre, l’autre n’allait plus tarder.
Il tapota nerveusement du plat de la main sur le volant. Après ce qui c’était passé, il était bien décidé à demander une rallonge pour se casser loin d’ici. Il avait besoin de se mettre au vert et vite. Il en avait rêvé de ses 8000 euros. Il se voyait déjà aller à Breda pour faire le plein de marchandise et la revendre tranquillos dans sa cité. Mais y’avait eu un blême et…
Mickey sentit soudain une présence derrière lui.
Putain le con,  il ne lavait pas entendu monter.

 (...)
La suite très bientôt sur notre blog !


©2012 – Éric Lefebvre

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