dimanche 27 janvier 2013

Voir Bully et mourir : troisième et dernière partie.



Éric Lefebvre est l'auteur


et



Il vous offre à lire sa nouvelle  inédite

 Voir Bully et mourir 


La fin !
   




Gilles lui lança la liasse. Elle lui échappa et roula sur le plancher de la Golf.
Mickey se pencha pour la ramasser.
Son fric, enfin ! Ah lui la belle vie, les meufs, la BM, tout…
Soudain, il se raidit : au tribunal, c’est ça, au tribunal… Putain l’enculé ! ! ! C’est là qu’il l’avait déjà vu ce mec ! Putain, au trib…
Il y avait un flingue dans la boîte à gants. Il se redressa vivement.
Une douleur fulgurante le cueillit à la base du cou.  La mort fut instantanée.
Le passager arrière essuya calmement la lame effilée du pic à glace sur le tissu du siège. Il arracha la liasse de la main droite de Mickey et laissa le corps glisser lentement côté passager.
Finalement, il avait trouvé ça vachement facile.
En voilà un qu’il ne verrait plus traîner dans les prétoires.
Bon, il ne fallait pas moisir ici.
Il se précipita vers une fourgonnette, une Kangoo, garée derrière le hangar et revint avec deux jerricans remplis à ras bord. Il aspergea copieusement l’intérieur de la Golf et dessina sur le sol une longue traînée d’essence qui descendait jusqu’à la route. Il grimpa dans sa camionnette, dépassa la Golf et une fois à bonne distance enflamma le carburant. La flamme se propagea à toute vitesse.
Une formidable explosion retentit presque aussitôt, mais il avait déjà pris le large.
Il vit disparaître dans son rétroviseur la voiture incendiée qui brillait comme un fanal dans le brouillard.
Il eut un rictus de satisfaction et souhaita bonne chance aux flics de la PTS.
Sylvain Montarron était greffier au tribunal de Douai et n’avait pas choisi Michel Labbé, dit Mickey par hasard.
« Connu de longue date de la police et de la justice », selon la litote consacrée, c’était le client idéal. « Personnalité immature, égocentrique et antisociale, d’une grande labilité émotionnelle et très vulnérable aux frustrations. Passe à l’acte facilement. » Telles étaient les conclusions du psy qui l’avait expertisé à quinze ans alors qu’il venait de massacrer un collégien parce que ce dernier avait mis un peu de mauvaise volonté pour lui céder son scooter. La suite était une longue litanie de voies de fait, dégradations, trafics de stup, cambriolages et vols avec violence. En cinq ans, il n’avait pas chômé. Et là, il venait de passer un cran au-dessus en assassinant une vieille dame.
Montarron savait qu’en début d’après-midi, elle se serait damnée plutôt que de rater « Les feux de l’amour ». Et mamy n’était pas du genre à se laisser impressionner par un petit voleur. Dès qu’elle le verrait, elle se mettrait à rameuter le quartier. Il l’avait vu à l’œuvre un jour au marché, alors qu’un voyou essayait de lui tirer son sac. Même à terre, elle s’était cramponnée à son bien et avait tellement gueulé que le voleur avait du lâcher prise, pour s’extirper in extremis d’une foule devenue hostile. Pour la faire taire, Mickey n’aurait pas trente-six solutions. Et comme son caractère impulsif le poussait vers des solutions définitives…
Bien sûr, ce scénario n’était pas gravé dans le marbre, mais tout c’était quand même déroulé comme prévu. De son côté, il avait passé toute la journée du vendredi au tribunal, et  celle du samedi à Paris, histoire d’avoir des alibis en béton, des fois qu’un Columbo lillois aurait eu l’idée saugrenue de le soupçonner.
Le meurtre de sa tante n’avait pas encore été découvert. Cela l’étonnait un peu, mais cela ne saurait tarder. Tous les dimanches matin, une voisine venait la chercher pour aller à la messe.
Le greffier regarda sa montre : 8 heures 35.
Il remontait maintenant la rue Jules Vernes.
Il avait juste le temps de rentrer chez lui à Noyelles-Godault et d’attendre le coup de fil fatidique. Dans quelques semaines, il serait riche, très riche. À lui, l’héritage de sa tante. Fini les humiliations, la vieille qui lui faisait la morale à chaque fois qu’elle lui allongeait quelques billets. Il allait enfin pouvoir palper tout ce fric qui lui revenait de droit.
Il eut un sourire carnassier.
En outre, savoir que la vieille peau allait encore devoir subir le scalpel du légiste le faisait triquer. Elle qui avait passé toute sa vie à préserver son corps de la gent masculine et qui pensait aller au paradis direct en conservant sa fleur, elle allait se présenter devant Saint-Pierre en petits morceaux, « façon puzzle ».
Ah, c’était encore meilleur que le pèze. Meilleur que la baise !
Il éprouva un moment d’intense satisfaction.
Sacré Mickey, il ne l’avait pas déçu !
Il avait choisi Bully un peu par hasard, car ce nom lui était apparu dans une affaire récente et en proposant un rendez-vous en centre-ville, il savait que le voyou se méfierait moins qu’en rase campagne. Un moment, il avait pensé rendre visite à sa tante deux jours plus tôt pour y abandonner le mégot qu’il avait récupéré à Wazemmes après le départ du jeune homme. Les flics l’auraient fatalement trouvé et seraient obligatoirement remontés jusqu’à Mickey. Six mois plus tôt, il avait participé à une tournante avec Mouloud et d’autres potes. Il avait farouchement nié, mais la police avait son ADN. Leur livrer l’assassin sur un plateau était diablement tentant, mais à trop finasser…
Moins on en faisait, moins on avait de chance de se planter.
Là, on aurait une mamy assassinée à Croix et un type transformé en brochette à Bully-les-Mines. A priori aucun rapport. D’un côté, un crime crapuleux et de l’autre, un règlement de comptes.
Soudain, il se rendit compte qu’il avait oublié la peinture dans la Golf.
Bah, avec le feu, aucun risque.
Les petits bonshommes, il les avait toujours connus. La toile était l’œuvre d’un obscur cousin, elle n’avait jamais rien valu.

 Fin.


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La seconde partie, est >>>> ICI


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