vendredi 16 septembre 2011

La Mort au détail... en détail : premier extrait !




Saulmères, à la veille des Fêtes de Noël.

L’arrivée des migrants de la « jungle » et l’assassinat d’un paisible retraité sèment le trouble dans la population. Quand les friteries se mettent à flamber et qu’au même moment on découvre les corps mutilés de deux jeunes Africains dans un bois, l’angoisse est à son comble.

Le commandant Jacobsen et Corinne Maresquier se lancent alors dans une traque qui les confrontera à une forme de criminalité inédite. Ainsi qu'à une réalité sociale témoignant des dérèglements de notre société et de ses valeurs...

Après Passé mortel et Marais noir, La Mort au détail est le troisième volume des enquêtes du commandant Jacobsen. En voici le...

...Prologue


   Alfred Couture, dit Fred, racontait pour la troisième fois de la soirée comment l’hiver dernier il avait sauvé de la noyade une mère de famille et ses deux mômes dont la voiture avait dérapé sur une plaque de verglas avant de glisser dans l’eau glacée du canal quand la porte du bistro s’ouvrit brusquement. Un Africain, les yeux exorbités, enveloppé de la tête aux pieds d’une bâche en plastique bleu qu’il avait dû dérober sur un chantier, éructa quelques sons incompréhensibles en essayant de repren-dre son souffle. Il était environ vingt-trois heures ce lundi 10 décembre 2007 et, s’il ne gelait pas encore, la température extérieure devait avoisiner le zéro fatidique avec le premier vrai coup de froid de cette fin d’automne. Le ciel était parfaitement dégagé et piqueté d’étoiles sur un velours noir d’une étonnante douceur. Un ciel qui s’ouvrait sur l’infini, propice aux vertiges métaphysiques. Dans trois semaines, ce serait Noël. Pour l’heure, la poignée de poivrots qui tanguaient en se retenant au zinc du Café des mariniers, espèce disparue depuis de longues années du Quai-au-sel de Saulmères où ne stationnait d’autre péniche que le dancing du Lys de l’Aa, se détour-nèrent de leurs chopes jamais vides pour considérer d’un œil torve l’intrus. Le patron lui-même qui attendait avec impatience de voir ces clients attardés déguerpir pour aller enfin se coucher sortit de sa torpeur et faillit avaler le mégot de gitane qu’il gardait vissé au coin des lèvres.
   – Là ! Dans l’eau, dans l’eau ! Tombé, tombé. Va mourir, appeler, appeler... Froide, eau très froide !
   Il moulinait des bras pour indiquer la direction de l’accident et rameuter des secours.
   – Je vais téléphoner au 18, gueula le taulier. Les négros se sont encore bagarrés pour un camion ou un wagon. Ça n’en finira jamais ce bordel avec les immigrés !
   Fred contemplait l’Africain avec la stupéfaction de l’âne de la crèche voyant surgir l’un des rois mages. Grand et carré, le ventre bedonnant au-dessus d’un large ceinturon qui n’empêchait pas son jean délavé de dénuder le haut de ses fesses poilues, la face rubiconde ornée d’une moustache jaunâtre, l’œil rond d’un coq interrompu dans son épopée matinale, il cherchait vainement à renouer le fil de son récit cisaillé par l’apparition incongrue de ce messager de la nuit jailli du monde invisible des exclus. Il remonta son froc pour se donner une contenance et suivit le type qui venait de quitter les lieux et galopait vers le pont en face de la gare plongée dans l’obscurité. Le drame s’était déroulé sur l’autre rive, peut-être sous la voûte métallique où les errants trouvaient refuge quand il pleuvait. Un petit groupe stationnait au bord de l’eau et se mit à crier en les voyant accourir. Fred descendit, en soufflant comme un phoque, les marches de pierre qui menaient vers la nappe sombre où se reflétaient les traînées orangées des rares lampa-daires. Derrière lui, ses potes le poursuivaient en hurlant “N’y va pas, Fred, reviens, bon sang, pense à ta mère...” Ça tournait au charivari entre le chœur des suppliants et les plaintes angoissées des victimes. Sa mère... elle se foutait bien de lui, sa mère... Elle devait ronfler dans son pieu après s’être fait tringler par un vieux vicelard pas regardant sur la marchandise. “Il est où ?”, s’enquit-il de sa voix de basse de père noble ou de cocu magnifique d’opéra et, avant que quelqu’un lui ait désigné l’endroit où un être en perdition se débattait dans les affres de l’agonie, il plongea sans même prendre d’élan ni enlever sa moumoute. Il nagea droit devant lui. Il allait encore repêcher une bonne femme. Elle tomberait amoureuse de lui, elle finirait par l’épouser et ils auraient une nichée de gosses café au lait. Il n’en avait rien à cirer de la couleur de sa peau, il n’était pas raciste comme ces connards qui jouaient aux nazillons à l’heure de l’apéro. Ce fut sa dernière pensée. Il coula à pic, au milieu du canal, happé par le linceul de glace, le souffle coupé, les vêtements lourds. Quand les autres arrivèrent enfin sur les lieux, les témoins s’étaient évanouis dans la nature et ils ne distinguaient plus que les rides calmes du naufrage qui venaient lécher la berge herbeuse. On entendait au loin la sirène des pompiers.
...

Un prochain extrait à suivre

Et si vous voulez 

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