dimanche 24 octobre 2010

De genre en genre, comment est-ce possible ?

Bonjour à toutes et tous,

Aujourd’hui, c’est l’auteur qui va rédiger ce billet et non le webmaster Riffle Noir. Ceci pour répondre à une question que certains d’entre-vous se poseront peut-être et qui m’a été posée ce dimanche lors du salon du livre de Wavrin fêtant le 5e anniversaire de la librairie La Ruche Aux Livres.

En vous remerciant de votre intérêt,

Imagines pensées,

Michaël Moslonka



Introduction à une question fondamentale



Dimanche dernier, donc, au salon du livre de Wavrin, un de mes lecteurs (Louis de son prénom, 11 ans) est venu me voir pour me demander quand mon jeune aventurier Elvis, son compagnon, le rat de bibliothèque Lord Rat-Blay, et un autre personnage surnommé le Balayeur des Lilas revivront une nouvelle aventure. Pour ceux qui ne le savent pas, je suis l’auteur de deux livres jeunesse. Le dernier, Elvis et la fille qui rêvait debout, date de novembre 2007. Louis savait que je venais de publier un polar. Après une foultitude de questions, de demandes, de compliments et d’explications sur ce qu’il avait compris de mes histoires (grand merci à toi Louis pour ton si bel intérêt !), mon jeune lecteur m’a demandé : « mais comment faites-vous pour passer du livre jeunesse au roman policier ? »
Question encore plus intéressante que ses précédentes interrogations (c’est pour vous dire le plaisir et la teneur de cet échange que j’ai pu vivre).

Comment est-ce que je fais pour passer du livre jeunesse au roman policier ?


Très bonne question !


Il s’agit là d’une question simple et complexe à la fois. Car je ne fais pas que passer du livre jeunesse au polar. Mon genre de prédilection est le fantastique (mon premier roman est d’ailleurs un roman « fantastique»). Alors me direz-vous : comment faites-vous pour passer du fantastique au polar ?
Et bien…
C’est que…
Heu…
J’écris aussi bien dans des genres comme la SF que dans celui de l’héroïc fantaisy. Et bientôt, je publierai même un roman sentimental (au titre mainte et mainte fois modifié et qui s’appellera au final : Une nouvelle vie en Artois). 

Un auteur à tout faire comme dirait l’autre ?


Effectivement, je m’amuse à passer d’un genre à un autre, puis je reviens à l’un avec plus ou moins de réussite, moins ou plus de déboires. Je m’y plonge, je les explore, sans autre arrière pensée (outre le désir de publier mes textes) que de jouir des possibilités qu’offre le genre concerné.
La réponse à la question de Louis et à sa complexité vient d’être lâchée : je m’amuse.
D’ailleurs, dès mon premier roman (Le Masque de l’Archange), je m’amusais déjà puisque pour raconter l’histoire, je mélangeais la poésie et la prose, l’histoire étant découpée en actes et en scènes plutôt qu’en chapitre I, II, etc. Ce mélange, je ne l’ai pas vraiment inventé. Je l’ai dégotté chez Robert E. Howard le créateur de Conan le barbare. Pour raconter les aventures d’un autre de ses héros (Salomon Kane) il utilisait soit la prose classique, mais aussi la poésie. Cela ne m’avait non pas étonné, mais intéressé.
L’intérêt est ma seconde réponse.

À mon sens, le « genre » est une invention destinée à archiver la teneur des histoires. Peut-être parce qu’« On » n’aime pas le désordre, peut-être parce qu’« On » a besoin d’un cadre ou que l’« On » croit que les lectrices et les lecteurs risquent de se perdre si un livre, un auteur, une histoire ne sont pas classés. Cela ne dérange ni le lecteur que je suis, ni le romancier que je deviens, à partir du moment, où aucun genre n’est décrié, dévalorisé, sous-estimé (bon, excepté les biographies de stars, afin qu’une exception puisse confirmer la règle).


J’aime la diversité, la pluralité, ou encore la multi-disciplinarité défendue par Boris Cyrulnik. J’ai envie (j’ai besoin !) d’être libre de voyager d’un genre à un autre au grès de mon plaisir, de mon imagination, des histoires qui vivent dans ma tête, de mes inspirations multiples et variées. Libre donc, mais pas sans contraintes. Car le genre appelle l’auteur à des contraintes. Des contraintes de genre justement. Et pour tout vous dire : c’est vraiment ça qui est amusant, passionnant !
Ces contraintes de genre me font puiser en moi des ressources d’imagination. Mieux : elles agrandissent le champ de mon imaginaire. Elles développent mes univers. Ceux-ci n’existent plus seulement dans le présent, mais dans le passé, dans le futur (anticipé ou extrapolé), dans des endroits vraisemblables (au coin de la rue) ou invraisemblables (à Singe-Poor, la ville des Humalites). Enquêter sur la mort d’un individu peut être un épisode commun à la SF, au fantastique, au récit de vie, etc. Mais il ne se traitera pas de la même manière si vous êtes dans le fantastique ou dans le roman noir. Dans le premier, le fantôme du mort viendra, le lendemain de son assassinat, susurrer à l’oreille de l’enquêtrice, le nom du coupable. Dans l’autre, il faudra attendre des semaines, voire des mois, que l’analyse ADN parle aux policiers.

Autre contrainte et pas la moindre : il faut avoir des histoires à raconter. Si j’écris « un genre » pour « écrire un genre », cela se sentira. Il faut posséder en soi une histoire et une affinité consciente ou inconsciente avec ledit genre. Difficile d’écrire un roman sentimental si l’on est insensible aux sentiments des autres et aux siens. Tout comme écrire une histoire dans un lieu précis, en terres du Nord, ne peut se faire qui si le « faiseur d’histoires » a une affinité réelle ou fantasmée avec les lieux. Ainsi, Jules Verne n’a jamais voyagé au centre de la Terre, pour autant, c’est avec passion que nous suivons ses héros. Hugo Pratt, lui, a tellement voyagé qu’il a réussi à laisser planer le doute que son héros Corto Maltese ait réellement pu exister. 

En conclusion ?

Pour qui a de l’imagination, pour qui a des histoires à raconter, il n’y a pas de limite de genre. Lors de cette démarche, le genre est, certes, désacralisé, mais il magnifié. Il revient à son essence première : celle d’un univers fait pour le lecteur, univers avec lequel peut s’épanouir l’écrivain (en jouant, il devient « je »), dans lequel il fait jouer ses personnages, où il lâche la bride à ses idées, à son inspiration. S’amuser, oui. Mais jamais aux dépens des lectrices et des lecteurs. Ce n’est pas un jeu de dupes, ni une farce. Car vous l’avez compris, un romancier ne passe pas d’un genre à un autre si facilement. S’il était un auteur « à tout faire », il deviendrait une sorte de machinerie à écrire et à produire des écrits manufacturés exempts de toute sincérité. Ce qui deviendrait, alors, vraiment une farce. De mauvais goût…

Que l’avenir et ma volonté m’en préservent !


M.M.

Post-Scriptum: Si vous souhaitez explorer plus en profondeur l'univers parallèle de l'auteur, certaines de ses histoires sont en lecture libre sur le web. Ces nouvelles sont les suivantes (Cliquez sur les titres pour accéder à leur lecture):
une nouvelle qui marie à la fois le genre "noir" et celui du "fantastique". Etrange, non?
(à lire sur le site Un(e) auteur(e), des nouvelles)


(à lire sur le site Un(e) auteur(e), des nouvelles)


(à lire sur le webzine Reflets d'Ombres)


(à lire sur le webzine Reflets d'Ombres)


(à télécharger gratuitement avec le n°7 d'Outremonde)

et

(à lire sur le webzine Reflets d'Ombres) 


Voilà vous en savez un peu plus des passages de l'auteur d'un genre à un autre...

Riffle Noir.





2 commentaires:

  1. Bel article M'sieur !

    J'ai donc toutes les réponses à mes questions...

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  2. Merci M'dame! Ravi de vous avoir ainsi éclairée :)
    M.M.

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